Toulouse : le dernier témoin de l’ère AZF s’efface pour un nouveau campus santé.
Vingt-quatre ans après la tragédie qui a marqué la Ville rose, Toulouse tourne définitivement une page de son histoire industrielle. La ferronnerie OMS, dernier vestige du périmètre AZF, disparaît sous les pelleteuses. À sa place émergera en 2027 un projet ambitieux : le Hub, un ensemble architectural de 10 000 m² pensé pour insuffler une nouvelle vie au campus Santé de l’Oncopole.
Cette transformation symbolique marque l’aboutissement d’un travail de reconquête urbaine initié il y a plusieurs années. Mais avant de construire l’avenir, il faut d’abord effacer un passé lourd, marqué par l’amiante et les séquelles de la Seconde Guerre mondiale.
Design & Confort : quand l’architecture industrielle cède la place au béton bas carbone
Une toiture emblématique condamnée
La ferronnerie OMS se distinguait par son impressionnante toiture en béton voûté, signature architecturale des années 1950. Cette structure audacieuse avait séduit les promoteurs Sopic Occitanie et Villes & Territoires, lauréats en 2018 de l’appel à projets « Dessine-moi Toulouse ».
Malheureusement, l’explosion d’AZF en 2001 a projeté des particules d’amiante sur l’ensemble du bâtiment. La charpente, trop fragilisée, ne pouvait être conservée. « Architecturalement, cette voûte nous intéressait, mais la structure était compromise », confient les maîtres d’ouvrage.
Un nouveau bâtiment pensé pour la réversibilité
En lieu et place, REC Architecture a conçu un édifice contemporain entièrement en béton bas carbone. La structure poteaux-poutres offre une flexibilité maximale : les espaces pourront évoluer au fil des besoins.
Le Hub s’articulera autour de deux modules distincts. L’un accueillera services et loisirs, l’autre sera dédié aux activités tertiaires. Cette modularité répond à une ambition claire : créer un lieu de vie ouvert, sans clôture, parfaitement intégré au campus Santé.
Énergie & Rénovation : un chantier de dépollution hors norme
Le désamiantage, un casse-tête technique
La démolition d’un bâtiment contaminé à l’amiante nécessite habituellement un confinement total. Impossible ici avec cette toiture bombée. Nicolas Beco, responsable des programmes chez Sopic Occitanie, explique la méthode employée : « Nous faisons tomber la charpente petit à petit, en arrosant constamment pour limiter la dispersion des poussières d’amiante. Les gravats sont ensuite acheminés vers des filières spécialisées. »
Ce protocole exceptionnel mobilise des moyens considérables. L’arrosage continu garantit la sécurité du chantier et du voisinage, dans un secteur désormais densément occupé par l’Oncopole, pôle de recherche médicale de renommée internationale.
Des sols chargés d’histoire
La parcelle cache un autre secret : des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Le terrain, autrefois propriété du ministère de la Défense, a subi plusieurs raids aériens. Une étude historique minutieuse a permis de cartographier les zones à risque.
Dès janvier 2026, l’entreprise Géomines interviendra pour sonder les sols. Le terrassement du futur parking souterrain se fera par couches successives, jusqu’à 4 mètres de profondeur. Cette précaution maximale évitera toute mauvaise surprise lors des fondations.
Travaux & Expertise : transformer une friche en lieu de vie
Un projet de reconquête urbaine
« Notre ambition, c’est d’apporter un lieu de vie à ce campus Santé qui fonctionne aujourd’hui en silo et manque cruellement de services », souligne Camille Nunes, directrice générale de Villes & Territoires. Le constat est sans appel : l’Oncopole, malgré ses 4 000 emplois, souffre d’un déficit d’animation et de convivialité.
Le Hub vient combler ce vide. Avec 400 m² de brasserie-restaurant, 750 m² de salle d’escalade et 150 m² de microcrèche, le lieu offrira une palette de services inédite. Les 7 000 m² de bureaux et laboratoires accueilleront chercheurs et entreprises de la santé.
Des façades préfabriquées pour accélérer le chantier
David Rechatin, fondateur de REC Architecture, a privilégié la préfabrication des façades. Cette technique industrielle réduit les délais de construction et améliore la qualité d’exécution. Le béton bas carbone, quant à lui, divise par deux l’empreinte environnementale comparé à un béton traditionnel.
Le bâtiment sera équipé d’un parking à vélos de 200 places, encourageant les mobilités douces dans ce secteur bien desservi par les transports en commun.
Prix & Aides : 18 millions d’euros pour tourner la page
Un investissement structurant
Le montant total des travaux s’élève à 18 millions d’euros. Cette somme couvre la démolition complexe, la dépollution des sols, et la construction du nouveau bâtiment. Sopic Occitanie et Villes & Territoires, maîtres d’ouvrage associés, ont déjà trouvé un acquéreur : une foncière unique rachètera l’ensemble avant la livraison.
Ce modèle économique sécurise le projet en amont. La commercialisation anticipée garantit l’équilibre financier de l’opération, malgré les surcoûts liés au désamiantage et à la dépollution.
Un foncier vendu par Evotec
La parcelle s’inscrit dans un ensemble plus vaste, l’ancien site Sanofi racheté en 2015 par le groupe allemand Evotec. Cette cession progressive du foncier permet de financer les aménagements du campus Santé, tout en densifiant progressivement le quartier.
Le parking souterrain de 1 000 m² représente un investissement significatif. Mais dans un secteur en pleine mutation, le stationnement demeure un enjeu stratégique pour attirer entreprises et chercheurs.
Une page se tourne, une autre s’écrit
Mi-2027, le Hub ouvrira ses portes sur le campus Santé de Toulouse. Ce projet audacieux illustre la capacité d’une ville à se réinventer après un traumatisme majeur. L’explosion d’AZF, qui a fait 30 morts en septembre 2001, appartient désormais au passé.
À la place des friches industrielles polluées émergent des lieux de vie, de travail et de recherche tournés vers l’avenir. Le béton bas carbone, la réversibilité des espaces, les mobilités douces : autant de marqueurs d’une transition écologique qui s’accélère.
Toulouse prouve qu’il est possible de transformer une cicatrice urbaine en opportunité. Le Hub ne sera pas qu’un bâtiment : ce sera un symbole de résilience et de renaissance pour tout un quartier.